Description et objectifs:
Il y a près de 20 ans, à la suite d’une mobilisation sociale, citoyenne et politique historique, le Québec s’est doté d’une loi cadre pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. D’importantes réformes ont pourtant rapidement écorné ses principes et fragilisé la logique de protection sociale des personnes en situation de pauvreté. On peut se demander où en est la lutte 20 ans plus tard ? Quelles luttes marquent l’histoire contemporaine ? Mais surtout : que retenir de l’histoire des luttes à la pauvreté ?
Ce projet correspond à une démarche d’appropriation collective de la mémoire de la lutte à la pauvreté au Québec. Avec les partenaires de ce projet – le Collectif pour un Québec sans pauvreté (CQSP) et le Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec (GRFPQ) – nous avons engagé cette démarche dans une perspective critique, historique et contemporaine. Critique avec le partage de différents points de vue théorique, politique et régional de la lutte : militant.e.s directement concerné.e.s, intervenant.e.s impliqué.e.s et chercheur.e.s. Historique avec le point de vue d’acteur.rice.s plus ancien.ne.s et la documentation des luttes passées. Contemporaine avec le regard et les pratiques des acteur.rice.s d’aujourd’hui.
Selon un plan d’action de deux ans (juin 2022-juin 2024), co-construit par les membres d’un comité de pilotage (partenaires, figures de la lutte, militant.e.s directement concerné.e.s et chercheur.e.s), notre démarche vise à reconnaître, conserver et pérenniser une trace du savoir militant afin d’alimenter les actions des groupes et renouveler le plaidoyer de la lutte à la pauvreté. Les activités envisagées sont :
- l’archivage de documents, supports et outils des luttes des vingt dernières années sur le site web de l’Observatoire des profilages;
- la réalisation de capsules vidéo sur l’histoire orale, les savoirs militants et les récits d’expérience des acteur.ice.s de la lutte; – l’organisation de forums régionaux participatifs et inclusifs;
- la production d’un guide d’animation à partir de l’ensemble de la démarche afin de mobiliser les capsules pour la formation de la relève (organismes communautaires, Écoles de travail social, etc.).
Plan d’action
1. Le comité de pilotage
Le comité de pilotage est composé de : deux membres du GRFPQ, un membre du CQSP, un membre du RASST, un professeur en travail social de l’UQAR, un organisateur communautaire de l’Abitibi, deux membres de l’ADDSQM ainsi que le coordonateur et la responsable de la démarche.
Il se réunit toutes les 6 semaines pendant 3 heures pour orienter la démarche : choix des luttes, contenus des capsules, recrutement des figures marquantes de la lutte, organisation des forums régionaux, etc.
2. Les capsules vidéo
À partir de quatre moments clés (ou quatre luttes), les capsules vidéo visent à recueillir des témoignages d’actrices et acteurs de la lutte à la pauvreté. Il s’agit de récits de personnes qui se sont investies dans l’organisation des luttes avec les militantes et militants, dans la mobilisation, ou dans des batailles juridiques, dans la rédaction de la loi, etc. Ce sont des personnes directement concerné.e.s par les luttes, des militant.e.s terrain, des organisateurs communautaires, des avocat.e.s, des professeur.e.s, des intervenant.e.s, entre autres.
A. Les mobilisations pour une loi sur l’élimination de la pauvreté
La lutte pour une loi sur l’élimination de la pauvreté a été historique au plan militant, politique et social. Elle représente une réussite en ce qu’elle a rendu visible les enjeux de la pauvreté dans l’espace public. Après les gains significatifs de la Marche du Pain et des roses (1995), les coupures annoncées du Parti québécois ont amené les organisations communautaires et progressistes à passer à « l’offensive » en proposant une loi. Par un important travail d’alliances, de mobilisations, d’implication des premier.e.s concerné.e.s et en saisissant des fenêtres d’opportunités politiques, les groupes populaires ont su faire adopter une loi cadre en plus de réaliser un travail symbolique ayant un impact culturel majeur. Or, depuis ce moment important, le Québec n’a pas connu de mobilisations d’une telle ampleur par rapport à la pauvreté. Pourquoi? Des militant.e.s nous livrent leur expérience de cette lutte et analysent la situation actuelle.
Visionnez la capsule Loi sur l’élimination de la pauvreté – 1997-2002
B. La lutte contre la taxe d’eau (1974-1986)
La lutte contre la taxe d’eau, en plus d’avoir insufflé la création d’un mouvement régional et provincial de personnes assistées sociales, est considérée comme inspirante en ce qu’elle a été rapidement prise en charge par les premier.e.s concerné.e.s (surtout par des femmes) et a mené à la victoire des militant.e.s contre les autorités publiques québécoises. Les « petit.e.s bourgeois.e.s » (avocat.e.s populaires et organisateur.rice.s communautaires) ont joué un rôle important au départ, mais plus effacé.e.s par la suite et notamment lors de la prise en charge. Ils ont toutefois toujours joué un rôle de soutien lors des moments de tension. Dans cette capsule nous cherchons à comprendre comment nous sommes passés de la volonté de dénoncer une injustice à une lutte puis à une victoire. Des militant.e.s nous racontent leur implication de l’époque.
Visionnez la capsule Contre la taxe d’eau – 1973-1976
C. La lutte contre les boubous-macoutes (années 1980)
Rapidement après l’adoption de la loi ayant institué le droit à l’aide sociale, une lutte contre les fraudeurs a été mise en place. Dans les années 1980, leur pouvoir s’est renforcé. Surnommés « les boubou-macoutes », ces agents visiteurs ou inspecteurs ciblaient particulièrement les femmes, suspectes de ne pas déclarer des situations de « vie maritale ». D’un côté, le gouvernement avait les ressources pour orchestrer une campagne médiatique et idéologique importante qui a eu pour effet de rallier une partie de la population, devenue même enthousiaste à dénoncer les présumées fraudeuses (et fraudeurs). De l’autre, les organisations se sont confrontées à la peur, la honte et l’isolement des personnes assistées sociales et un espace médiatique restreint, malgré la forte popularité du terme « boubou-macoutes ». À travers un travail politique, médiatique, mais surtout juridique et stratégique (alliances), le Front commun des personnes assistées sociales a su lutter jusqu’à l’arrêt des visites intrusives. Des actrices et acteurs de cette lutte viennent nous parler de la façon dont elles et ils s’y sont pris.e.s pour gagner malgré un rapport de force défavorable.
Visionnez la capsule Contre les Boubou Macoutes – 1986-1988
D. La lutte pour la parité des jeunes (années 1980)
Dès la première loi d’aide sociale en 1969, le cas des 18-30 ans a été l’objet de vifs débats et le législateur a toujours privilégié un traitement particulier pour les jeunes. Si l’on a fait le choix de leur ouvrir le droit à la prestation, c’était à des conditions plus défavorables et notamment en leur donnant accès à un montant d’aide sociale nettement inférieur (environ le tier). Après la lutte de la taxe d’eau, l’ADDS et le FCPASQ avaient priorisé cette lutte contre la discrimination des jeunes dans le système d’aide sociale, mais c’est le (Regroupement autonome des jeunes) RAJ et des groupes similaires de jeunes qui radicaliseront le plus les actions (occupations, grève de la faim, etc…) et exposeront l’injustice des jeunes dans l’espace social. Les appuis de différents groupes sociaux se préoccupant de la santé physique et mentale des jeunes seront nombreux. Le témoignage de personnes ayant participées à cette lutte nous éclaire sur ce qui s’est passé.
Visionnez la capsule pour la parité dans l’aide sociale – 1985-1989
3. Le travail d’archive
Archivage de documents écrits (journaux nationaux, locaux et communautaires), audio, photos (archives issues de fonds privées et communautaires) et vidéos (presse et organismes communautaires) portant sur les 4 moments clés.
Démarche en cours.
4. Les forums régionaux
Les forums régionaux sont des espaces participatifs et inclusifs (diversité d’acteur.rice.s locaux et nationaux) qui visent la réappropriation inter-générationnelle critique, historique et contemporaine de la lutte à la pauvreté.
Ils ont pour objectifs de favoriser un dialogue entre militant.e.s passé.e.s, actuel.le.s et futur.e.s, à partir de leur vécu des luttes à la pauvreté régionales et nationales et de leurs perspectives critiques.
Ils ont également pour objectif de relancer l’intérêt pour la lutte à la pauvreté au Québec et dans la région.
Organisé sur une journée, les forums se dérouleront autour de plusieurs activités de présentations, échanges et réflexion.
D’autres évènements à venir.